Applications métier héritées : comment transformer sans tout casser

par | 23 mai 2025 | Pilotage

Applications métier héritées : comment transformer sans tout casser

Vous l’entendez chaque semaine : « Ça tourne, on ne touche à rien ». Sauf que dans l’ombre, ces fameux systèmes/applis bien rincé(e)s siphonnent vos budgets et le capital sérénité de l’IT. Près de 30 % des dépenses IT en France partent déjà dans le colmatage de la dette technique. Autant d’euros qui n’iront pas booster l’IA ni le self‑service métier. Trois écrans plus loin, on découvre que le backlog innovation a la taille d’un annuaire et que les métiers se bricolent des Google Sheets en douce. J’ai déjà vu un DAF conserver un serveur Windows 2008 « parce qu’il fait encore le job »…pour rappel, la mise à jour de sécurité n’existe plus depuis 2019.

Alors comment transformer sans tout casser ?

Le poids caché de l’héritage

Vous allez me dire, de manière pragmatique, qu’est-ce que coûte concrètement ce statu quo ?

Eh bien, on peut résumer tout ça en 3 points :

  • Rigidité : technologies propriétaires, compétences rares (genre COBOL), cycles de déploiement plus lents qu’un TER un jour de grève.
  • Lenteur : un time‑to‑market qui se compte en dizaines de mois, quand vos concurrents parlent en semaines.
  • Risque : vulnérabilités non patchées, conformité RGPD hasardeuse, réputation qui vacille au moindre incident.

81 % des DSI considèrent la dette technique comme une préoccupation majeure et 56 % estiment en avoir « beaucoup ».

Quand quatre décideurs sur cinq tirent la sonnette d’alarme, difficile de rester dans le déni.

Pourquoi les systèmes anciens freinent l’innovation ?

Chaque initiative (IA générative, analytics temps réel, nouveau parcours client) doit traverser un plat de spaghetti de dépendances. Ainsi, le moindre PoC peut prendre des plombes.

J’ai récemment animé un comité où l’équipe Data a dû extraire dix CSV nocturnes pour entraîner un simple modèle prédictif : résultat, six semaines envolées et un business owner bien bien fatigué…

L’illusion du « ça marche encore, donc on garde »

Tant que le service « répond », on sous‑estime toujours le coût d’opportunité.

Pendant ce temps, le marketing souscrit un SaaS hors radar pour lancer une campagne en quinze jours.

Shadow IT 1 – DSI 0.

À moyen terme, cette façon de faire coûte plus cher que le changement : multiplication des interfaces, audits de sécurité en panique, talents qui quittent l’entreprise, etc.

Tout casser n’est plus une option

Le big‑bang fait rêver : on débranche vendredi, on rallume lundi sur un cloud parfaitement configuré. Mais dans la vraie vie, on observe généralement :

  1. Interruption massive : chaîne logistique à l’arrêt, hotline qui implose.
  2. Dérive budgétaire : licences, migrations, formations – la facture double vite.
  3. Perte d’intelligence métier : règles de gestion enfouies dans 200 000 lignes de code.

Même des géants reculent.

La Poste pilote aujourd’hui 600 API et 50 millions de requêtes quotidiennes sur une PaaS OpenShift actif/actif, sans coup de masse.

Retenez donc qu’il vaut mieux des incréments contrôlés qu’un week‑end de panique.

Transformer sans repartir de zéro : une nouvelle voie

Pour répondre à ces enjeux, de plus en plus d’organisations optent pour une approche de modernisation applicative, qui permet de faire évoluer leurs systèmes métier existants sans repartir de zéro ni compromettre la continuité opérationnelle.

1. Intégrer

Exposez les fonctions clés via API ou événements Kafka : c’est la bouffée d’oxygène qui évite l’asphyxie et monétise un back‑end jusque‑là confiné.

2. Refactoriser

Chaque composant modernisé réduit la dette… et la pression artérielle des équipes.

3. Étendre

Greffez micro‑services, conteneurs et SaaS ciblés. Tant que le contrat d’interface est clair, votre patrimoine devient une plateforme d’innovation, pas un boulet.

4. Automatiser & sécuriser : le chaînon manquant

Sans CI/CD ni DevSecOps, la modernisation reste généralement de la plomberie artisanale.

L’Urssaf l’a d’ailleurs compris, puisque 80 000 jours/homme ont été budgétés sur cinq ans pour résorber la dette et automatiser la chaîne de build. Pipelines GitLab, scans SAST à chaque merge, tests de sécurité continus : objectif diviser par quatre le délai de mise en prod… et la surface d’attaque.

D’ici 2026, 70 % du design et du développement des nouvelles applications web et mobiles seront influencés par l’IA générative (Gartner).

Encore faut‑il qu’une API d’IA puisse facilement dialoguer avec votre SI 😉.

Une technologie au service du métier

Au ministère des Armées, le projet low‑code EIFFEL sur ServiceNow permet aux équipes de créer leurs propres applications en quelques semaines, hébergées sur site sécurisé.

Effets domino :

  • Workflows homogènes, homologation générique.
  • Time‑to‑market divisé par deux.
  • IT repositionnée sur la gouvernance plutôt que le « ticket chasing ».

Petite phrase à glisser lors de votre prochain COPIL : « Donner un tournevis numérique aux métiers, c’est libérer du budget pour l’innovation » 😉. Bonus : les utilisateurs deviennent vos meilleurs bêta‑testeurs.

Repenser aujourd’hui pour durer demain

La modernisation applicative est un programme de résilience. Le PMU, qui gère 4,5 millions de paris par jour, migre son cœur COBOL vers AWS « en changeant le moteur de l’avion en plein vol ». Chaque tranche modernisée libère un budget réinvesti dans l’IA, la data et l’expérience client.

Attendre le moment parfait, c’est prendre le risque d’être dépassé.

Commencez petit, mesurez, itérez.

Un SI hybride maîtrisé vaut mieux qu’un monolithe fossilisé.

Au passage, vous serez plus en mesure de capter les talents DevOps.

Exposez, refactorisez, étendez

En résumé, moderniser sans casser, c’est un triptyque : exposer (API gateway, événements, façade applicative), refactoriser (découper, assainir, payer la dette technique) et étendre (micro‑services, cloud, IA).

Ajoutez‑y l’automatisation et la sécurité intégrée, et votre SI devient une plateforme d’innovation. Chaque sprint est un sprint de compétitivité : moins de bugs, plus de vitesse, budget cloud optimisé. Plus vous attendez, plus la pente s’aggrave : dettes cumulées, talents qui s’échappent, factures SaaS au plafond. À l’inverse, activer dès demain une simple « façade API » ou isoler un service en micro‑container, c’est – dès le prochain trimestre – un incident critique évité, une fonctionnalité lancée plus vite, une équipe qui respire.

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